RD Congo/France : La France demande à la RD-Congo de faire des droits humains une priorité
Les élections 2023, la violence dans l'est du pays et des questions de justice étaient au menu des discussions entre les présidents français et congolais lors de leur dernière rencontre en mars dernier.
Le président congolais Félix Tshisekedi et le président français Emmanuel Macron ont discuté des enjeux critiques en matière de droits de l'homme en République démocratique du Congo lors de leur rencontre du 4 mars dernier à Kinshasa. Les sujets de discussion avaient porté sur la garantie d'élections libres, équitables et transparentes en décembre 2023, la protection des civils dans les zones touchées par les conflits, ainsi que la poursuite en justice des auteurs de violations.
La situation préoccupante des droits de l'homme en République démocratique du Congo persiste, en raison des conflits internes, de la corruption et de la mauvaise gouvernance, qui ont tous provoqué à l'augmentation des abus, des crises politiques et du déplacement interne de 5,8 millions de personnes.
Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch, a suggéré que les présidents Tshisekedi et Macron devraient mettre en évidence l'importance du respect des normes internationales pour les prochaines élections en République démocratique du Congo. Ces normes incluent des conditions équitables pour tous les candidats, une transparence lors du dépouillement des bulletins de vote et une publication rapide des résultats.
Les présidents Tshisekedi et Macron s'étaient également engagés au cours de leur rencontre de promouvoir le respect des droits de l'homme et de la justice en République démocratique du Congo. Une priorité qui serait que le gouvernement congolais cesse de réprimer les manifestants pacifiques, les militants et les journalistes, et poursuive les responsables d'abus. Les récentes arrestations arbitraires et autres attaques qui limitent la liberté d'expression et l'espace civique sont particulièrement préoccupantes à l'approche des élections de décembre, en particulier dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri, où l'état de siège a déjà été utilisé pour faire taire les voix critiques, ont souligné plusieurs observateurs.
Le Président Emmanuel Macron avait exprimé sa volonté de dialoguer avec les organisations de la société civile africaine lors de son discours sur le partenariat Afrique-France le 27 février. Etant donné que les élections de 2018 ont été marquées par de nombreuses irrégularités, telles que la suppression de candidats et d'électeurs, ainsi que des résultats officiels peu crédibles, le Président français a également rencontré des organisations locales, notamment celles qui jouent un rôle important dans la promotion de l'intégrité des élections. Pour sa part, l’organisation Human Rights Watch a recommandé au gouvernement congolais d'élaborer une stratégie claire pour garantir la participation des personnes touchées par les conflits au processus électoral, conformément aux directives de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples sur l'accès à l'information et aux élections en Afrique, ainsi qu'à celles de la Commission sur la liberté d'association et de réunion.
Pendant des décennies, les conflits armés internationaux ont ravagé la RD Congo, depuis le début des années 1990, entraînant de nombreuses violations du droit international par les forces armées congolaises et étrangères, ainsi que de nombreux groupes armés non étatiques, notamment des crimes de guerre , des crimes contre l'humanité et des violences fondées sur le genre. Il est important que le président Macron encourage son homologue congolais à établir un processus de justice transitionnelle qui pourrait déterminer les responsabilités pénales pour les crimes graves, passés et présents, conformément au droit international. Ce processus devrait également inclure un programme complet de réparations pour les victimes et leurs familles, y compris les victimes et survivants de violences sexuelles basées sur le genre, conformément au droit international, afin de les aider à reconstruire leurs vies.
Emmanuel Macron a effectué sa visite en RD-Congo alors que le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, étend son contrôle dans la province du Nord-Kivu et se rapproche de Goma, la capitale provinciale. Les rebelles du M23 continuent de perpétrer des violences contre les civils, telles que des exécutions sommaires et des enrôlements forcés. Le gouvernement congolais a de nouveau eu recours à des groupes armés pour combattre l'offensive du M23, ce qui pourrait rendre l'armée complice d'exactions.
La résurgence du M23 et la réponse de la RD Congo augmentent le risque pour les civils, les partis impliqués utilisant de plus en plus les loyautés ethniques. Au cours de leurs entretiens, les deux dirigeants devraient discuter de la protection des civils dans les zones touchées par le M23. Les combats actuels aggravent une situation humanitaire déjà désastreuse, forçant 600 000 personnes de plus à fuir leur domicile dans la province du Nord-Kivu et menaçant de provoquer des élections dans la région.
La tournée africaine d'Emmanuel Macron qui inclut les étapes au Gabon, en Angola et la République du Congo, a représenté une opportunité pour ce dernier de clarifier que le déploiement des militaires de l’EAC, la Communauté d'Afrique de l'Est dans l'est de la RD Congo doit respecter le droit humanitaire international et se focaliser sur la protection des civils. Le 19 décembre 2022, la France avait condamné le soutien du Rwanda au groupe M23, et Emmanuel Macron devrait soutenir une médiation activée sur le respect des droits, en laquelle l'Union africaine et les dirigeants de la région demanderaient au Rwanda de mettre fin à son soutien au M23.
De plus, le président français a profité de l’occasion de sa visite à Kinshasa pour mettre l'accent sur l'importance d'un programme de démobilisation efficace pour tous les groupes armés, car les autorités congolaises n'ont pas encore réussi à le mettre en place. Le rétablissement, en février, d'un représentant spécial de l'Union européenne pour la région des Grands Lacs pourrait également être un outil supplémentaire pour l'UE, la France et d'autres États membres afin de donner la priorité aux droits humains et à un programme de politique étrangère axé sur la protection des civils en RD Congo et dans d'autres régions.
La visite d'Emmanuel Macron en Afrique s’est déroulé dans un contexte particulièrement difficile où l'hostilité à l’égard de la France est en nette recrudescence, en particulier dans la partie ouest-africaine du Sahel. Le ressentiment populaire, alimenté par le passé colonial de la France, s'est récemment intensifié en raison de la perception que la France a adopté une politique discriminatoire en Afrique. Cette impression est renforcée par le contraste entre la condamnation par Paris des coups d'État militaires au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, et son silence concernant le changement anticonstitutionnel de gouvernement au Tchad.
Le 27 février, Emmanuel Macron avait annoncé que le gouvernement français a examiné le passé colonial de la France pour établir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable avec les pays africains. Cela se fera à travers plusieurs initiatives et mesures, y compris l'adoption d'une nouvelle loi fixant les critères et la méthodologie pour la restitution de leur patrimoine aux anciennes colonies.
Carine Kaneza Nantulya a déclaré que « Emmanuel Macron devrait écouter et prendre en compte les appels des organisations de la société civile congolaise et des mouvements africains en faveur de réparations efficaces pour faire face à l'héritage de la colonisation ». En plus de tous les points évoqués, Tshisekedi et Macron ont également discuté de l'importance des réparations pour briser le cycle continu d'abus et d'impunité.
Par Mondiale TV
Commentaires
Enregistrer un commentaire